En 1975, les espagnols abandonnent le Sahara occidental aux mains du Maroc et de la Mauritanie. Le peuple sahraoui qui rêve de l’indépendance d’un « pays sahraoui » doit alors émigrer dans des camps de fortune dans le sud algérien. En 1991, un espoir surgit avec le cessez-le-feu et la promesse d’un référendum sur l’autodétermination.
Trente-quatre années d’exil ont passé. Dans l’indifférence de la communauté internationale, 160 000 sahraouis survivent dans l’une des régions les plus inhospitalières du globe avec l’objectif de «revenir vivre un jour là-bas », dans leur territoire aux eaux côtières riches en poissons.
Pour mon deuxième reportage dans les camps de réfugiés à Tindouf, j’ai choisi de partager le quotidien d’adolescents sahraouis.
Brahim, directeur des langues vivantes au Ministère de l’éducation de la RASD conduit son antique tout terrain avec la décontraction des hommes du désert, il raconte comment il a débuté instituteur à 17 ans en 1978 « quand il fallait tout mettre en place ».
Soudain, un long bâtiment surgit dans la platitude du désert. C’est l’Internat du 12-Octobre* : lieu improbable à 40 kilomètres du camp le plus proche, immense bâtiment balayé par les vents de sable. 650 collégiens, 100 adultes dont 24 professeurs-hommes et 4 femmes vivent là. L’isolement est total. Malgré tout, un enseignement et des programmes de qualité permettent aux plus méritants de poursuivre leurs études en Algérie.
Dès le début de leur exil, une des préoccupations prioritaires des sahraouis était de mettre sur pied cette scolarisation. Lourde charge que de l’organiser dans des conditions extrêmes. « Nous étions peu d’enseignants. Nous voulions instruire un maximum d’enfants. Le plus simple était de les regrouper. » prècise Hammad Yahya, le directeur de l’Internat du 12-0ctobre. « Au début, les classes étaient délimitées par des cailloux au sol. ».
Depuis des bâtiments en dur abritent les classes. L’internat est spartiate, usé par le sable, le temps et les éléments. Les collégiens participent à la vie matérielle de l’établissement : ils ont la charge de l’entretien des locaux. Ils ne rentrent dans leur famille que tous les trois mois. Tous les jours, ils se rassemblent pour l’appel au drapeau et l’hymne national de la RASD.
Ici, la vie en internat favorise, chez les adolescents le processus d’identité commune, de sentiment national, d’appartenance à une même communauté. Depuis l’Europe, ces regroupements sont difficiles à comprendre ; il nous vient à l’esprit des images de masses embrigadées lorsqu’on imagine la vie de centaines de jeunes réunis loin de leur famille.
Dans ce coin de désert, j’ai rencontré des adolescents curieux des nouvelles du monde, des élèves motivés, proches de leurs professeurs, des citoyens soucieux de leur avenir plutôt que des jeunes repliés sur leurs problèmes pourtant énormes. Confrontés aux stéréotypes de la société de consommation lors des accueils organisés pour eux en Europe, les jeunes sahraouis semblent très attirés par cette vie dite moderne.
Des enfants qui jouent, révisent leurs leçons, chahutent, se disputent, observent le monde par le filtre du « petit écran », rêvent, flirtent, tapent dans un ballon … bref, des enfants comme tous les enfants mais des enfants au milieu de nulle part. Isolés ! Pour combien de temps encore ?
Maurice CUQUEL, Algérie 2009
Maurice CUQUEL est instituteur à Donzac, en Tarn et Garonne. Enseignant de profession, curieux du monde par passion, il débute dans le reportage au bord des terrains de rugby et des pistes cyclistes pour le compte du quotidien la Dépêche du Midi et de plusieurs hebdomadaires sportifs.
Maurice CUQUEL est né le 9 février 1957, à Castelnau, dans le Lot. Pigiste-photographe au journal la Dépêche du midi, de 1983 à 1997, il est passé du photo reportage local à des escapades photographiques plus lointaines, autant d’aventures humaines et de pages d’écritures …argentiques.